3. Le contrat de spectacle
L’émergence, à la Renaissance, d’un contrat de spectacle structuré est directement liée à l’évolution des conditions de représentation, notamment à la création d’un lieu théâtral qui conditionne en grande partie le statut du comédien, celui du spectateur et la spécificité de la relation entre regardants et regardés.
3.1 Du côté de la scène
3.1.1 Conditions de représentation au Moyen-Âge : quelques jalons
Il n’y a pas de lieu théâtral à proprement parler. Des lieux fixes, les églises, servent occasionnellement à des représentations, mais celles-ci se donnent le plus souvent sur des "scènes itinérantes" (tréteaux, chariots).
D’abord à l’intérieur des églises, les spectacles se déplacent progressivement à l'extérieur, sur le parvis, sur des tréteaux et des chariots. Les représentations ont donc lieu en plein air et de jour. Elles durent longtemps, parfois plusieurs jours d’affilée.
Les comédiens sont amateurs.
Paradoxalement, puisqu’il s’agit de pratique amateur, de gros moyens sont dévolus à la dimension spectaculaire de la représentation. Costumes et décors, dits décors à mansions ou décors simultanés, les acteurs se déplaçant d’un lieu à l’autre sur scène, s’avèrent très sophistiqués. On travaille les truquages et les effets spéciaux (par exemple, pour représenter la gueule de l’enfer… ce qui n’était pas sans danger d’incendie).
Le jeu tient davantage du mode épique que du mode dramatique, de la narration que du dialogue à proprement parler.
3.1.2 XVIe siècle : des auberges de comédie au « Théâtre »
Il n’existe toujours pas de lieu dévolu exclusivement au théâtre. Les représentations se donnent dans des lieux fixes polyvalents. Des auberges se spécialisent ainsi dans l'organisation de spectacles de théâtre : la cour fait office de scène, les galeries accueillent le public, préfigurant les galeries des futurs théâtres. Des représentations sont également programmées dans des maisons privées. Ces lieux théâtraux se caractérisent par une certaine intimité qui annonce le théâtre élisabéthain.
Les comédiens se professionnalisent. Mais, assimilés à des vagabonds, ils tombent paradoxalement sous le coup de la loi.
Les productions ne disposent que de petits moyens financiers, ce qui explique l’absence ou quasi absence de décors.
En 1574, les autorités de la Cité votent une loi qui réglemente les auberges de comédie. Une charte réglemente également la profession de comédien en Angleterre. Il s’ensuit, en 1576, la construction du premier théâtre, « Le Théâtre », par James Burbage. Au cours des seize années suivantes, dix-sept théâtres sont édifiés.
3.1.3 Le théâtre public élisabéthain
Bien que certains théâtres accueillent différents types de divertissements populaires notamment des combats d'animaux, le théâtre dispose désormais d’un lieu spécifique approprié.
L’espace scénique est exploité dans toutes ses dimensions. Particularités de la scène élisabéthaine :
Profondeur du plateau qui permet à l’action de se dérouler sur plusieurs plans. L’avant-scène est appelée scène en tablier, ou en éperon. Une tapisserie (ou « arras ») peut être utilisée pour diviser la scène en deux aires de jeu (comme, par exemple, dans la scène du meurtre de Polonius, dans Hamlet).
Verticalité : la galerie qui surplombe la scène peut accueillir, des spectateurs de qualité, des musiciens, ou si l’action dramatique le requiert, des comédiens (comme pour la scène du balcon dans Romeo and Juliet / Roméo et Juliette). Si l’avant-scène n’est pas couverte, la scène, en revanche, l’est. Ce toit, qui dissimule la machinerie, porte le nom de « heavens » (les cieux). De même, l’espace situé au-dessous de la scène, accessible par une trappe, peut également être utilisé. Ainsi, une indication scénique précise que le fantôme du père d'Hamlet "crie de dessous", et dans la même pièce, les fossoyeurs creusent une tombe sur scène et trouvent un crâne. Dans Dr Faustus / Dr Faust de Marlowe, plusieurs niveaux scéniques permettent de représenter la terre, le ciel d'où vient l'ange, l'enfer d'où vient Mephisto.
Les décors existent, contrairement à ce que l’on a longtemps cru, mais ils sont minimalistes. Des effets spéciaux sont créés pour les besoins de l’action (comme dans Dr Faust).
La profession de comédien est exclusivement réservée aux hommes. Alors qu’en France, les actrices professionnelles apparaissent dès 1629 – ce qui provoque un tollé outre-Manche – il faut attendre 1662 en Angleterre, date à laquelle un décret royal officialise l’ouverture de la profession aux femmes. Il faut cependant noter l’existence d’actrices amateurs à la Cour de Charles I.
Le statut des comédiens évolue progressivement. Ils sont désormais patronnés par des nobles (la troupe de Shakespeare est ainsi successivement patronnée par le Grand Chambellan, cousin de la reine Elisabeth, puis par le roi Jacques I). Le mécène sert de médiateur entre la troupe et les autorités publiques, particulièrement le lord-maire.
3.1.4 Les théâtres privés
Noter :
3.1.5 Le théâtre de cour
Les représentations à la cour déployaient faste et splendeurs. Elles constituaient un moyen pour le souverain de montrer son pouvoir et sa grandeur. Le monarque ne se déplaçait pas pour assister à des représentations dans des théâtres publics ou privés (contrairement à ce que montre le film, par ailleurs très astucieux, Shakespeare in Love), mais il invitait certaines troupes à venir jouer à la cour.